Christophe Dugourd (Cycle Up) : “Nous souhaitons offrir aux acteurs de la construction et de l’immobilier une véritable alternative aux matériaux neufs”
Cycle Up, la plateforme française spécialisée dans le réemploi des matériaux de construction, et dont l’activité a déjà permis d’éviter l’émission de près de 7 800 tonnes de CO2-eq et le dépôt de 5 200 tonnes de déchets, inaugure son premier atelier de reconditionnement de matériaux issus de la déconstruction à Noisy-le-Sec (93). L’entreprise débute avec la production d’articles sanitaires et ambitionne notamment de reconditionner près de 1 500 toilettes, 500 receveurs de douche et 2300 lavabos chaque année, afin d’offrir “une véritable alternative aux matériaux neufs”, explique Christophe Dugourd, directeur du développement de Cycle Up.
Concept Bain : Depuis sa création en 2018, la vocation de Cycle Up est le réemploi. Comment cela se concrétise-t-il ?
Christophe Dugourd : Depuis sa création, Cycle Up exerce deux activités principales : le conseil et les études en réemploi dans le cadre de diagnostics ressources et PEMD, d’assistant maîtrise d’ouvrage (AMO) réemploi et de formation ; ainsi que l’animation d’une marketplace (un “marché en ligne”, en français, est un site internet sur lequel des vendeurs indépendants ont la possibilité de vendre leurs produits ou services en ligne, NDLR). Nous avons ensuite diversifié nos activités avec la création de différents outils digitaux tels qu’une application de diagnostic ressources Diag it et un module BIM, puis ouvert des sites logistiques. Nous avons inauguré, il y a environ deux ans, un entrepôt de stockage à Saint-Ouen (93) et plus récemment en banlieue lyonnaise, afin de stocker une partie des matériaux à fort potentiel de réemploi. Parallèlement, nous avons ouvert une “galerie du réemploi” rue des Petites-Écuries (Paris 10e), où nous accueillons les architectes ; c’est un lieu d’échange sur le réemploi et les divers projets auxquels nous avons pris part.
CB : Avec l’inauguration de votre atelier de Noisy-le-Sec (93), vous poussez la porte du reconditionnement de matériaux issus de la déconstruction. Pourquoi ce choix ?
CD : Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait aller encore plus loin que le réemploi. Les matériaux récupérés étaient jusqu’ici revendus en l’état ; or il y a un fort potentiel de reconditionnement pour certains éléments de sanitaire comme les WC sur pied ou suspendus, les receveurs de douches et les lavabos. C’est donc dans cette optique que nous ouvrons notre premier atelier de reconditionnement de matériaux à Noisy-le-Sec (93). Le reconditionnement sera effectué en partenariat avec Acorus, un groupe français spécialisé dans l’éco-rénovation.
CB : Quelles sont donc les étapes de reconditionnement auxquelles sont soumis les produits sanitaires ?
CD : Chaque produit est contrôlé à l’entrée, afin de s’assurer de sa conformité. Pour un WC sur pied par exemple, il s’agit de s’assurer qu’il ne présente pas de fissure ou que les points d’accroche sont toujours en bon état. Il est ensuite nettoyé, selon un procédé industriel développé par Acorus. Les pièces d’usure telles que la robinetterie, la visserie ou la chasse d’eau sont changées à neuf, et le WC est remis en carton. De cette manière, nous avons la capacité de proposer un WC quasi-identique à celui d’origine.
CB : Qui assurera le contrôle de ces matériaux reconditionnés ?
CD : Globalement, le contrôle des matériaux est assuré tout au long de la chaîne de
reconditionnement : à l’entrée du produit, lors de la phase de nettoyage, lors du
changement des pièces d’usure et en fin de chaîne pour s’assurer que les céramiques
sont toujours en bon état. Notre process qualité est en cours de validation avec le
CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment, NDLR).
CB : Quel est l’intérêt pour un installateur professionnel de se fournir en matériaux reconditionnés ?
CD : D’un point de vue financier, il ne faut pas imaginer qu’un produit reconditionné soit bien moins cher qu’un produit neuf, car le reconditionnement a un coût. Cependant, les produits reconditionnés que nous proposons sont une véritable alternative aux matériaux neufs, qui présentent de meilleures qualités que nombre de produits premiers prix du marché, puisqu’il s’agit souvent d’éléments sanitaires issus du tertiaire et donc pensés pour résister à une utilisation intensive.
De plus, nous garantissons l’ensemble de nos matériaux. Une garantie gratuite couvre la défectuosité du produit, tandis qu’une garantie supplémentaire, celle-ci payante, couvre les dommages consécutifs à la mise en œuvre de nos produits.
Enfin, le produit reconditionné est l’assurance d’un produit bas carbone avec un fort impact social puisque l’activité de reconditionnement est relocalisée sur le territoire. Le réemploi crée dix fois plus d’emplois que l’enfouissement.
CB : Les produits mis à disposition par Cycle Up proviennent donc de chantiers du tertiaire ?
CD : La législation impose aux maîtres d’ouvrage réalisant des travaux de démolition de certains bâtiments ou de rénovation significative, la réalisation d’un diagnostic préalable concernant la gestion des déchets. Depuis le 1er juillet 2023, celui-ci a été remplacé par un diagnostic PEMD (produits, équipements, matériaux et déchets). Dans le cadre de cette obligation de recenser l’ensemble des déchets et potentielles ressources d’un chantier, nous accompagnons nos clients dans leurs démarches d’économie circulaire. Nous les aiguillons sur les possibilités qui s’offrent à eux, comme notre marketplace pour vendre les ressources, les solutions qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre d’un réemploi in-situ, et même l’apport de nouveaux matériaux de réemploi pour leurs chantiers de réhabilitation.
Il arrive ainsi que certains maîtres d’ouvrage réemploient certains matériaux qu’ils avaient déposés lors du curage dans le bâtiment d’à côté, mais sous une autre forme. D’autres font le choix de nous revendre certains matériaux, voire de nous en faire don (il faut noter que le prix de mise en décharge de la céramique est d’environ 200 euros pour une benne de 8m3, NDLR). Les sanitaires qui alimentent nos filières proviennent donc majoritairement de chantiers du tertiaire, mais aussi du logement social.
CB : Quel est le rôle à jouer pour les professionnels de la filière bain afin de vous accompagner au mieux dans votre démarche ?
CD : Je ne sais pas s’il est possible de faire plus en matière d’éco-conception, à part peut-être penser la démontabilité des produits afin de mieux envisager le réemploi, et ainsi penser le matériau comme une ressource plutôt qu’un déchet. Il s’agirait aussi de développer des réflexions créatives autour de l’utilisation de produits de réemploi dans les installations et de les envisager comme une option environnementale.