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Yvonne Orgill, directrice générale de l’Unified Water Label Association © UWLA

16.5.2023

Yvonne Orgill (UWLA) : “Il ne s’agit pas de dire quelle marque est bonne ou mauvaise, mais plutôt de donner une norme de travail”

Alors que nous arpentions les allées de la Messe Frankfurt lors de l’édition 2023 d’ISH (13-17 mars), un stand a particulièrement éveillé notre curiosité. Coincé entre les différents restaurants et coins barista du hall 4.1 du parc des expositions francfortois, il arborait notamment de grandes étiquettes semblables aux étiquettes-énergie de nos appareils électroménagers avec, entre autres, l’inscription “Unified Water Label” (UWL). Pour Concept Bain, Yvonne Orgill, directrice générale de l’Unified Water Label Association (UWLA), présente le projet UWL qui vise à faire des produits de la salle de bains la pierre angulaire d’un marché européen du sanitaire durable et harmonisé, en s’appuyant notamment sur des industriels volontaires et transparents.

Propos recueillis par Rémi de Marassé

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Concept Bain : Qu’est-ce que le Unified Water Label (UWL) ?

Yvonne Orgill : Le Unified Water Label (UWL) est un outil, basé sur une démarche volontaire des industriels, qui permet d’identifier la consommation d’eau des produits de la salle de bains à l’aide d’une étiquette commune offrant des messages clairs, concis et faciles à comprendre. Ladite consommation est classée selon une échelle chromatique de cinq couleurs allant du vert (faible consommation d’eau) au rouge (forte consommation d’eau). Si le produit est dans la zone rouge, alors le débit réel doit être signalé sur l’étiquette. Je souligne par ailleurs que la consommation d’eau du produit est indiquée selon la politique du “pas plus que” : par exemple, si un robinet est étiqueté à un débit de 6L/min alors il ne doit pas délivrer plus de 6L d’eau par minute, sachant que toute tolérance due aux régulateurs de débit doit être incluse dans cette valeur.
Nous référençons exactement 16 402 produits, répartis dans 15 catégories, alors que plus de 20 000 produits ont été enregistrés depuis le lancement de ce label en 2008 (environ 6 000 produits ont été retirés parce qu’ils n’étaient plus disponibles sur le marché, NDLR).

CB : Étant donné que la démarche entreprise par les industriels est volontaire, comment s’assurer que les données étiquetées sont exactes ?

Y.O. : Le fabricant enregistre son produit auprès de nos services après avoir réalisé lui-même, au sein de ses installations, les tests de consommation d’eau. Une fois l’enregistrement effectué, un processus d’audit est engagé par un auditeur indépendant afin de contrôler et vérifier que le volume et le débit indiqué sur l’étiquette correspondent à la réalité. Nous travaillons actuellement avec nombres de certificateurs à travers le monde, comme le Kiwa aux Pays-Bas ou Itecons au Portugal, et nous envisageons de travailler avec le CSTB en France.

Si l’audit révèle que la couleur affichée ne correspond pas à la réalité, nous travaillons avec le fabricant pour y remédier car la cause de celle-ci peut-être plurielle : le test peut avoir mal tourné, les tolérances peuvent ne pas avoir été prises en compte, etc. Toutefois, si nous ne parvenons pas à trouver une solution ou si nous nous rendons compte qu’il s’agit d’un mensonge flagrant, nous retirons le produit du programme.

Le UWL ne demande rien de plus que ce qu’une entreprise devrait faire de toute façon. Si vous êtes une marque qui fabrique selon les normes, vous n’aurez aucun problème à vous inscrire dans le programme de labellisation : il ne s’agit pas de dire quelle marque est bonne ou mauvaise, mais de donner une norme de travail.


CB : Quel intérêt revêt un tel étiquetage ?

Y.O. : Un produit ne peut être efficace s’il est utilisé de manière inefficace. Avec cet étiquetage, il s’agit de modifier les comportements des consommateurs et de les guider dans des choix conscients, d’autant plus qu’ils sont de plus en plus soucieux des enjeux environnementaux, et notamment de leur consommation d’eau.

Parallèlement, l’étiquetage des produits a entraîné une transformation organique du marché puisque qu’une grande partie des robinets aujourd’hui référencés affiche désormais un débit nettement inférieur à 6L/min, et que près de 60 % des douches enregistrées ont un débit légèrement inférieur à 6 litres/minute. Cela illustre la prise de conscience des fabricants, de leur rôle à jouer et surtout de leur responsabilité sociale dans le développement de produits plus durables. C’est sans compter sur l’avantage concurrentiel que cela représente pour les industriels qui participent au programme. Dans certains pays, comme l’Irlande, le label est devenu une monnaie d’échange : si vous ne l’arborez pas, vos produits ne peuvent pas être retenus sur le marché de la construction neuve.

CB : Comment ont été déterminés les critères d’étiquetage de l’UWL ?

Y.O. : Il existait de nombreux programmes d’étiquetage en Europe, chacun ayant des objectifs, des mécanismes ou des critères différents. Quatre d’entre eux étaient bien établis en Suède, en Allemagne, en Suisse et au Portugal, et un programme européen – qui peut être considéré comme le précurseur de l’UWL – était également en cours d’élaboration. Tandis que le suédois s’en est tenu à l’énergie, les programmes allemand, suisse et portugais ont uni leurs forces pour consolider l’européen… à la demande de la Commission européenne. À partir du 1er janvier 2024, l’UWL sera d’ailleurs le seul et unique label de consommation d’eau disponible sur le marché.

Les critères techniques ont été rédigés avec des experts et par des experts tels que le CEIR (European Association for the Taps and  Valves Industry) pour les robinets et les douches ou la FECS (European Sanitaryware Producers Federation) pour les articles sanitaires, ainsi que par des parties prenantes intéressées. Tous sont basés sur des normes existantes : nous avons examiné les critères techniques existants, modifié ceux qui devaient l’être, et nous avons fusionné ce qui convenait au marché européen afin d’obtenir un Unified Water Label.

CB : Ce label s’adresse donc à l’ensemble du marché européen du sanitaire ?

Y.O. : L’UWL concerne les pays européens, ainsi que les pays qui n’ont pas encore de système d’étiquetage. Ces derniers peuvent l’utiliser car il est mentionnée dans la norme ISO sur l’efficacité de l’eau (la norme ISO 46001 est la seule norme internationale publiée pour aider votre organisation à réaliser des économies d’eau et à réduire ses coûts d’exploitation, NDLR). Lors du salon ISH 2023, nous avons échangé avec des pays qui n’ont pas encore de label et qui sont intéressés par cette possibilité. Pour l’instant, ces discussions sont confidentielles, mais il est certain que d’autres pays considèrent l’utilisation de l’UWL.

CB : Comment le marché européen, si disparate d’un point de vue normatif, peut-il être supervisé par un seul et unique label ?

Y.O. : Il est vrai que les normes varient d’un pays à l’autre. Par exemple, aux Pays-Bas et en France, la chasse d’eau ne peut être inférieure à 6 litres, alors que la réglementation britannique stipule que la chasse d’eau ne peut être supérieure à 6 litres ; il en va de même pour les robinets et les douches, pour lesquels nous constatons les mêmes différences, en particulier dans les pays où sévit une grave sécheresse, comme le Portugal, l’Italie et l’Espagne. C’est pourquoi les couleurs de l’étiquette tiennent compte de ces différences et offrent un plus large spectre d’évaluation, permettant au fabricant d’effectuer des ventes transfrontalières en utilisant la même étiquette.

CB : Aujourd’hui européen, l’UWL était originellement britannique ?

Y.O. : En 2005, les fabricants présents au Royaume-Uni ont convenu de la nécessité de créer un système d’étiquetage de consommation d’eau. Les installateurs, les commerçants, les détaillants se sont ensuite impliqués, ainsi que le gouvernement qui croyait en l’étiquetage des biens de consommation afin que les consommateurs puissent faire un choix éclairé. Ce système d’étiquetage original s’appuyait sur la directive d’éco-conception (dite « Ecodesign ») de la Commission Européenne, et encourageait les fabricants à s’en rapprocher le plus possible : la première entreprise à avoir enregistré un produit était Lecico, en août 2007.

Dès 2008, l’Europe a réclamé un label commun, et il a donc été convenu que le système britannique serait européanisé. Aujourd’hui, l’UWL est encadré par l’United Water Label Association, un organisme commercial sans personnalité morale basé à Bruxelles.

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